« L’insouciance », de K.Tuil

« Le poison. Le poison de la suspicion raciste. Ça pénètre dans le cœur de l’opinion publique, corrompt l’entendement et le bon sens, pervertit jusqu’à vos proches, le doute est là, désormais. François Vély n’a jamais éprouvé le moindre sentiment raciste, mais il devait le reconnaître, il n’y avait pas de Noir dans son entourage parisien. »

Un riche homme d’affaire emporté par un scandale qu’il n’avait pas vu venir, un jeune soldat qui revient broyé d’une mission qui a mal tourné en Afghanistan, une journaliste tiraillée entre son mari et son amant, un homme politique d’origine ivoirienne qui est renié par le président… l’intrigue de « L’insouciance » est une pelote de laine qu’il serait trop long de démêler ici. Les personnages foisonnent, chacun brisé à sa façon, tous rattrapés par leur condition ou leur origine – géographique, sociale ou religieuse.

Dans ce roman de plus de 520 pages (qui figure parmi les favoris de nombreux prix littéraires à venir), Karine Tuil dissèque les tourments et les luttes de ces personnages qui se débattent, englués dans toutes sortes de déterminismes, de conventions sociales, d’airs du temps nauséabonds. Usant, parfois jusqu’à l’écoeurement, de longues phrases répétitives, l’auteur entraîne son lecteur dans ce courant contre lequel, à en juger par le destin de ces âmes-là, il est vain de vouloir nager.

Inspiré de tout un tas de faits réels (qu’il est facile de retrouver en fouinant un peu sur le net), le scénario de « L’insouciance » n’est pourtant pas toujours crédible ni bien ficelé (la dernière partie, notamment, est absolument abracadabrante). Les clichés sont nombreux (sur les banlieues, sur les juifs, peut-être même sur la « haute société »), et les méthodes narratives manquent selon moi de finesse et de subtilité (amis de l’implicite et de la suggestion : passez votre chemin).

Mais si certains aspects de ce roman peuvent être désagréables, restent tout de même l’ambition du projet et la force du message (même s’il est un peu simpliste) délivré par Karine Tuil. Contrairement à ce que laissent présager les premiers paragraphes, le livre se lit facilement : le destin des personnages intrigue, la structure des chapitres invite à tourner les pages, à condition de ne pas y chercher une analyse approfondie de la société. Reste enfin à découvrir si cette insouciance promise dans le titre se dévoilera, ou non, avant le point final.

« L’insouciance » de Karine Tuil, Gallimard (2016), 528p., 22€
ISBN : 9782070146192

Note globale : 2,5/5

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