«La menuiserie s’était transmise de père en fils depuis 4 générations.
Mon père prendra sa retraite dans quatre ans.
Je suis dessinateur de presse. Ma soeur, physicienne.
Je serai le fis qui ne reprendra pas.»
Avec ces quelques phrases posées en préambule de l’album, Aurel plante le décor de cet ouvrage en équilibre entre reportage, témoignage et portrait de famille. «La Menuiserie» raconte l’histoire d’une entreprise ardéchoise, celle des Froment, une «TPE» qui a vu passer les décennies et avec elles les changements technologiques, les crises, l’évolution des modes de consommation. De père en fils, les Froment ont toujours su s’adapter et la menuiserie est une affaire qui roule. Sauf qu’aujourd’hui, personne ne souhaite prendre la suite d’Arnaud ; la menuiserie est sur le point de fermer ses portes.
Divisée en courts chapitres et rythmée par les menus de Madeleine, la grand-mère du narrateur, «La Menuiserie» est une histoire de famille, mais sa portée est bien plus large. A travers ce récit personnel, Aurel dresse le portrait de toute une catégorie d’entreprises artisanales et familiales qui se retrouvent confrontées à la mondialisation, à l’économie de marché, à la crise des vocations. Un travail que l’on pourrait, par certains aspects, rapprocher de certains films de Raymond Depardon : Aurel donne la parole aux témoins de la fin d’une époque, immortalise leurs savoir-faire, leurs habitudes, leurs réflexions. Certains penseront également à Davodeau («Les Ignorants» pour côté pédagogique, «Les Mauvaises gens» pour l’analyse sociologique et historique), même si la narration est moins aboutie chez Aurel, et que le livre souffre parfois de quelques longueurs.
Au final, paradoxalement, cette «chronique d’une fermeture annoncée » a quelque chose de rassurant. Sans doute cela vient-il du sentiment que l’auteur, d’une certaine façon, a réussi là où il dit avoir échoué. La menuiserie n’est pas morte. Elle vit encore entre ces pages.
«La Menuiserie», de Aurel, éd. Futuropolis (2016), 136p., 19€90
ISBN : 9782754814263
Note : 3,5/5
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